mardi 13 novembre 2007

Amélie Nothomb et son génie digne du prix de Flore

Amélie Nothomb, Ni d'Eve ni d'Adam

Amélie Nothomb cite Marguerite Duras dans Ni d'Eve Ni d'Adam. Une manière de s'inscrire dans sa lignée où le moi est le vecteur d'un bouillonnement de sensations...
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« Il n’est pas banal que j’écrive une histoire où personne n’a envie de massacrer personne »

L'autofiction, un genre dont Amélie Nothomb excelle avec légèreté et vivacité. Elle s'en donne à coeur joie dans Ni d'Eve ni d'Adam où elle avoue être la fiancée d'un tokyoïte du nom de Rinri. Le pays du soleil levant est érigé en carte postale avec ses montagnes, ses chics quartiers de Tokyo, Hiroshima, l'île Sado, sa cuisine et sa langue. Mais le Japon et Amélie Nothomb, c'est une affaire de passion poussée à son paroxysme. Ce pourrait être aussi l'histoire d'une confrontation entre deux cultures différentes. Du personnage de Rinri découle un comportement typiquement japonais et Amélie, elle, reste belge par nationalité. Ce sont deux êtres qui mettent sur le compte de la différence de civilisations leurs bizarreries respectives. L'un veut apprendre le français et l'autre se perfectionner dans sa langue natale japonaise. De cet échange instructif naît le rire amorcé par ces anecdotes au combien délicieuses qu'éparpille l'auteur dans ce roman. Des détails linguistiques qui achèvent de nous faire franchement rire et des élucubrations emblématiques comme on les aime.

Une histoire d'amour ou de faux-semblants

Quand Amélie Nothomb parle d'amour, c'est avec un détachement subtil. Cette pruderie raffinée et ce malaise feint entre les deux personnages nous sont décrits avec justesse. Les rendez-vous amoureux se subliment ici en case de monopoly... Les jeunes tourtereaux franchissent les étapes de la vie à deux avec politesse et convenance : l'invitation à dîner, la promenade, la présentation aux parents. Autant de passages obligés que l'auteur raille mais dont elle ne voudrait nullement se soustraire.

La curiosité et la jouissance de la vie viennent à bout des conventions sociales mais jusqu'à quel point ? Ainsi, Rinri est cet être qu'elle ne veut pas quitter mais avec lequel elle ne veut pas se marier non plus. Et c'est toute la contradiction qui témoigne d'une Amélie Nothomb qui préfère fuir à la fin du roman. Fuir pour pouvoir écrire, c'était la condition.

Quand le Japon nous est conté, délicieux sous sa plume

Il fallait l'émérite plume d'Amélie Nothomb pour nous raconter une histoire des plus banale mais qui devient le prétexte d'un exercice de style. De style nothombien avec ces répliques mordantes, ces analyses farfelues, ces envolées lyriques portées à la dérision où Amélie se transforme en Zarathoustra dans son imaginaire décuplé. Et cette sensibilité à fleur de peau où la réminiscence d'un Japon oublié revient comme un coup de poignard dans le coeur endolori de l'auteur. Le goût d'une glace portée à ses lèvres devient la porte ouverte au Japon fantasmé de son enfance.
Le Japon revient dans l'esprit de l'écrivain par cycles obsessionnels. Un japon maudit dans Stupeurs et Tremblements où elle fait la terrible expérience de la pression psychologique au travail. Un Japon plein de poésie et d'humour dans Ni d'Eve Ni d'Adam qui nous livre les rêveries d'une promeneuse solitaire sur le Mont Fuji.
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Ni d'Eve ni d'Adam, 245 pages, 17,90 euros.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Pour avoir lu ce livre, je peux dire que j'aurais à nouveau envie de le relire grâce à ta critique! Bravo! Continue!