Bernard Werber.
Le Mystère des Dieux.Avis aux idéalistes, ce livre est pour vous. Avec son dernier volet de la trilogie des Dieux, Bernard Werber nous livre une utopie remaniée.
A y voir de plus près, c'est l'utopie d'un personnage qui est raconté. Sur fond de paradis rêvé, celui-ci souhaite appliquer des valeurs utopiques à un monde d'humains . Comment oublier le thanatos, la puissance dévastatrice inhérente à la nature humaine ? La perfection n'existe pas : seuls de grands actes parfois isolés peuvent redonner une once d'espoir d'une utopie réalisable.
Pour décor de ce livre, Aeden, un semblant de paradis où des dieux sont les professeurs de 144 élèves dieux. Chaque élève dieu a un peuple qu'il doit guider dans une sphère qui pourrait ressembler à notre terre. C'est comme si, nous, pauvres petits humains, étions guidés par d'autres hommes un peu plus élevés que nous mais pas toujours plus intelligents. Il ne faut point y voir là de profanation de la part de l'auteur. A coup d'envoi de prophètes, d'éclairs divins et d'idées soufflées pendant les rêves, nos apprentis dieux sont en compétiton. Il n'en restera plus qu'un à la fin : le meilleur élève dieu qui aura pris l'ascendant grâce à son peuple sur tous les autres aura l'ultime privilège de rencontrer le dieu d'Aeden en personne.
Une histoire à dormir debout ? On mord à l'hamecon des univers ô combien époustouflant de Werber. On croirait presque que ceux-ci existent car sa science fiction est puisée dans une réalité, sa réalité. Comme un enseignement didactique ou un cheminement intellectuel, il revisite la mythologie grecque où l'on retrouve héros, dieux et personnages fantastiques. Une Aphrodite délicieuse, en tant que déesse de l'amour, qui tombe amoureuse du personnage principal, Michael Pinson. Des muses, des elfes et autres centaures...
C'est dans un style proche de l'atticisme (simple, sans emphase ni grandiloquence) que Werber choisit de raconter sa science fiction remplie de scénari bien ficelés et de créatures magiques.
Il inclut la notion d'humour dans son roman ( les satyres, ces étranges créatures qui répètent tout ce que l'on dit) mais aussi la notion de tragique ( Hadès, le diable qui règne sur le Styx) ainsi que celle de bonheur (l'amour de Pinson pour une jeune fille prénomée Delphine). Mais c'est toujours le fantastique qui prime dans son roman. Il met un point d'honneur à conserver ses personnages d'un roman à l'autre tel que Raoul Razorback. Des romans aux thématiques reliées qui se font échos.
Et si j'étais dieu ?
Le plus troublant est que l'auteur ait choisi d'axer son récit autour d'un humain qui n'est même pas semi-dieu. C'est parce que Werber a à nous livrer un secret de taille : les dieux ne sont pas tout puissant. Il leur arrive de faire des erreurs avec leur peuple et de ne pas les conduire sur le bon chemin. Il en résulte guerres, famines, drames imprévus... Michael Pinson, c'est un dieu maladroit certes. Mais il dirige son peuple avec des idéaux d'amour et de paix. Il est pourtant démuni face aux autres adversaires qui ont la destruction comme priorité et la guerre pour arme. Ces dieux sanguinaires prennent un malin plaisir à ordonner de massacrer son peuple. Un déchirement pour Michael Pinson : quoi de plus rageant lorsque l'on se bat pour l'amour ? Mais il y a une vérité encore plus frappante qui attend Michael. C'est le seul élève dieu qui rencontrera le dieu d'Aeden.
Mais qui est plus haut que dieu ? Rien. Et si plus haut que dieu, il y avait la galaxie et plus haut que la galaxie, l'univers qui englobait le tout. La causa sui. Et si le mystère des dieux était le lecteur ? Impensable pour Michael Pinson. A la toute fin de sa quête de l'entité suprême et par-delà sa volonté de transcendance, il finira par accepter l'innaceptable. C'est un livre qui englobe l'univers, son univers. Une habile mise en abyme de l'acte d'écriture et de lecture ?
Pour résumer, ce roman est une grande imposture d'humains qui se prennent pour dieu... Et peut être qu'ils vont réaliser qu'être dieu, ce n'est pas si facile... Mais nous, lecteurs, haletants d'impatience de lire la fin de ce roman, après deux tomes d'aventure, n'espérions nous pas autre chose comme fin ? Car c'est une impression de lassitude d'écrire qui se traduit là, comme si Werber à cours d'imagination et en proie au doute créateur, nous avez laissé sur notre faim.