
Un récit extraordinaire où on est plongé au coeur du Vietnam, ses rivages ensorcelants, ses vallées et collines verdoyantes, sa jungle terrifiante...
" Hoan ferma les yeux, indifférent aux vagues qui déferlaient sur son corps. Le chant lointain d'une berceuse, quelque part au large, l'entraîna dans un sommeil profond, saturé de rêves. "Trois histoires s'enchevêtrent comme les fils que l'on tricote minutieusement. Mien, la femme aux cheveux de jais, perd son premier mari à la guerre, se remarie avec un riche propriétaire foncier et lui fait un enfant. Mais, entre-temps, son premier mari revient comme un cadavre revenu d'une tombe. Elle doit faire face au commérage de son voisinage, à l'appareil politique dissuasif et paralysant. En proie à la pression de la communauté, elle n'a d'autre choix que de retourner vivre dans son ancienne demeure, une vieille masure délabrée. Et là, omniprésente, furtive, palpable malgré tout, une ombre. C'est le communisme avec son lot de principes, d'adages traditionnels, de morales et de croyances illusoires. Celui qui fait fi des conventions est tantôt un homme indigne, tantôt une femme dévérgondée et sans vertu, immorale... L'amour scellé entre Mien et son second mari saura-il résister à ce tsunami gigantesque qu'est le communisme emportant le coeur et le sentiment des hommes.
Le pouvoir des mots
Sous les lueurs fébriles d'une lampe-tempête, les gens du Hameau de la Montagne se pressent. En quelques phrases médisantes, ils érigent un tribunal. Des bols de riz gluant au miel et des pousses de bambou en guise de repas, des pipes pour les hommes, du tricot et la marmaille pour les femmes. On discute de la santé des ménages du hameau, des bribes de vie saisissante dans un gouffre de vie terne et ennuyeuse. A priori, les hommes sont faits pour vivre en société. Si ce n'est que chacun veille à ses propre interêts et salue le pauvre comme houspille le riche. Ou quand le vent tourne, l'homme qui remplit sa gamelle de la nourriture du riche ne pourra que le féliciter. Et le pauvre reste pauvre car il n'a pas la force d'être à la tête d'une plantation pour bâtir une pécune. Dans cette société, l'homme revenu de la guerre a le droit à sa part de bonheur qu'on lui a arraché comme une dette qu'on lui devrait jusqu'à la mort. Un homme qui donne dix enfants à sa femme est un exemple à suivre comme le symbole d'une virilité victorieuse. Mais par-delà le cercle vicieux, quelques voix s'élèvent pour se rebeller, se défendre, pour penser par eux-mêmes, en somme être heureux.
L'acte d'accouplement devient un océan qui soulève ses vagues, une mer qui se retire. L'amour devient une musique, des sons, des senteurs familières, des saveurs, des pensées passagères, tous les stimulis du quotidien dans ce Vietnam d'après-guerre. De la grande littérature.
Duong Thu Huong, Terre des oublis, 700 pages, 8,50 euros
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