
Michel Houellebecq.
Les particules élémentaires"Souvent aussi, il part à vélo dans la campagne. Il pédale de toutes ses forces, emplissant ses poumons de la saveur de l'éternité. L'éternité de l'enfance est une éternité brève, mais il ne le sait pas encore ; le paysage défile." P32
Un ouvrage d'astro-physique ? De biologie cellulaire ? De philosophie d'un monde en changement ? Teologique ? Ou traitant de la morne histoire de deux demis-frères perdus dans les circonvolutions de leur vie pathétique et déprimante ?
Avoir le tour de génie de mêler intrinséquement tous ces éléments ne pouvait être que l'oeuvre du provocateur primé pour de nombreux prix littéraires faisant partie d'une nouvelle génération d'auteur après celle du "nouveau roman" : Michel Houellebecq. Ames littéraires, ne vous abstenez-pas, même si vous rencontrerez des passages ennuyants parce que trop argotiques, il a l'art de nous faire aimer la science. A travers sa plume imprégnée d'un franc parler ascétique, ces vérités générales énoncées nous ont jamais autant paru si vrai. Et si c'était la fin de la race humaine en tant qu'être procréateur et source de vie, si on avait atteint la limite du monde tangible, la fin de l'histoire telle qu'Hegel semblait le prédire. Le monde est régi par le sexe, la violence et le sentiment de non-être. Cette vérité abrupte et difficilement acceptable, Houllebecq nous la jette en pleine face. Nous comprendrons mieux les années de la libéralisation des moeurs des années 70 et 80, le début d'une dégénérescence du monde matérialiste. Aldous Huxley, en filigrane dans le roman et cité ça et là, avait raison. C'est une terre accompagnée d'humains dépourvus d'identités individuelles qui apparaîtra comme une prophétie à la fin du roman de Houellebecq.
"D'autres critiques - probablement les plus profondes - se concentrèrent sur le fait qu'au sein de la nouvelle espèce créée à partir des travaux de Djerzinski, tous les individus seraient porteurs du même code génétique ; un des éléments fondamentaux de la personnalité humaine allait donc disparaître. A cela Hubczejak répondait avec fougue que cette individualité génétique dont nous étions, par un retournement tragique, si ridiculement fiers, était précisément la source de la plus grande partie de nos malheurs. " p312
Malgré quelques réticences à l'égard des thèses abordées par Houellebecq dont on ne sait si c'est son personnage principal étrangement appelé "Michel" qui en est porteur ou l'auteur du livre lui-même, ce roman vaut la peine qu'on s'y attarde. Au delà de l'apologie du sexe et de l'athéisme, au delà du rejet de l'époque hippie, il faut moins y voir un engagement et des convictions de la part de l'auteur que le reflet d'une volonté de transcrire un monde entre réalité et fiction. Une lecture au second degré s'impose et après avoir maudit l'auteur, on finit par le respecter. Du dégoût, de l'horreur, de l'indifférence, de l'espoir, des sentiments poussés à leur paroxysme dans les Particules Elémentaires, n'est ce pas ce que Camus avait initié dans L'étranger ?
"Certains êtres humains s'accrochent avec férocité à la vie, ils la quittent, comme disait Rousseau, de mauvaise grâce ; tel ne serait pas, il le pressentait déjà, le cas d'Annabelle." p285
Michel Houellebecq. Les particules élémentaires. 317 pages. 7 euros.
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