vendredi 25 juillet 2008

La fin du monde tangible ?

Michel Houellebecq. Les particules élémentaires

"Souvent aussi, il part à vélo dans la campagne. Il pédale de toutes ses forces, emplissant ses poumons de la saveur de l'éternité. L'éternité de l'enfance est une éternité brève, mais il ne le sait pas encore ; le paysage défile." P32

Un ouvrage d'astro-physique ? De biologie cellulaire ? De philosophie d'un monde en changement ? Teologique ? Ou traitant de la morne histoire de deux demis-frères perdus dans les circonvolutions de leur vie pathétique et déprimante ?
Avoir le tour de génie de mêler intrinséquement tous ces éléments ne pouvait être que l'oeuvre du provocateur primé pour de nombreux prix littéraires faisant partie d'une nouvelle génération d'auteur après celle du "nouveau roman" : Michel Houellebecq. Ames littéraires, ne vous abstenez-pas, même si vous rencontrerez des passages ennuyants parce que trop argotiques, il a l'art de nous faire aimer la science. A travers sa plume imprégnée d'un franc parler ascétique, ces vérités générales énoncées nous ont jamais autant paru si vrai. Et si c'était la fin de la race humaine en tant qu'être procréateur et source de vie, si on avait atteint la limite du monde tangible, la fin de l'histoire telle qu'Hegel semblait le prédire. Le monde est régi par le sexe, la violence et le sentiment de non-être. Cette vérité abrupte et difficilement acceptable, Houllebecq nous la jette en pleine face. Nous comprendrons mieux les années de la libéralisation des moeurs des années 70 et 80, le début d'une dégénérescence du monde matérialiste. Aldous Huxley, en filigrane dans le roman et cité ça et là, avait raison. C'est une terre accompagnée d'humains dépourvus d'identités individuelles qui apparaîtra comme une prophétie à la fin du roman de Houellebecq.

"D'autres critiques - probablement les plus profondes - se concentrèrent sur le fait qu'au sein de la nouvelle espèce créée à partir des travaux de Djerzinski, tous les individus seraient porteurs du même code génétique ; un des éléments fondamentaux de la personnalité humaine allait donc disparaître. A cela Hubczejak répondait avec fougue que cette individualité génétique dont nous étions, par un retournement tragique, si ridiculement fiers, était précisément la source de la plus grande partie de nos malheurs. " p312

Malgré quelques réticences à l'égard des thèses abordées par Houellebecq dont on ne sait si c'est son personnage principal étrangement appelé "Michel" qui en est porteur ou l'auteur du livre lui-même, ce roman vaut la peine qu'on s'y attarde. Au delà de l'apologie du sexe et de l'athéisme, au delà du rejet de l'époque hippie, il faut moins y voir un engagement et des convictions de la part de l'auteur que le reflet d'une volonté de transcrire un monde entre réalité et fiction. Une lecture au second degré s'impose et après avoir maudit l'auteur, on finit par le respecter. Du dégoût, de l'horreur, de l'indifférence, de l'espoir, des sentiments poussés à leur paroxysme dans les Particules Elémentaires, n'est ce pas ce que Camus avait initié dans L'étranger ?

"Certains êtres humains s'accrochent avec férocité à la vie, ils la quittent, comme disait Rousseau, de mauvaise grâce ; tel ne serait pas, il le pressentait déjà, le cas d'Annabelle." p285

Michel Houellebecq. Les particules élémentaires. 317 pages. 7 euros.

samedi 12 juillet 2008

Bonjour Vietnam !

Duong Thu Huong. Terre des oublis

Un récit extraordinaire où on est plongé au coeur du Vietnam, ses rivages ensorcelants, ses vallées et collines verdoyantes, sa jungle terrifiante...

" Hoan ferma les yeux, indifférent aux vagues qui déferlaient sur son corps. Le chant lointain d'une berceuse, quelque part au large, l'entraîna dans un sommeil profond, saturé de rêves. "

Trois histoires s'enchevêtrent comme les fils que l'on tricote minutieusement. Mien, la femme aux cheveux de jais, perd son premier mari à la guerre, se remarie avec un riche propriétaire foncier et lui fait un enfant. Mais, entre-temps, son premier mari revient comme un cadavre revenu d'une tombe. Elle doit faire face au commérage de son voisinage, à l'appareil politique dissuasif et paralysant. En proie à la pression de la communauté, elle n'a d'autre choix que de retourner vivre dans son ancienne demeure, une vieille masure délabrée. Et là, omniprésente, furtive, palpable malgré tout, une ombre. C'est le communisme avec son lot de principes, d'adages traditionnels, de morales et de croyances illusoires. Celui qui fait fi des conventions est tantôt un homme indigne, tantôt une femme dévérgondée et sans vertu, immorale... L'amour scellé entre Mien et son second mari saura-il résister à ce tsunami gigantesque qu'est le communisme emportant le coeur et le sentiment des hommes.

Le pouvoir des mots
Sous les lueurs fébriles d'une lampe-tempête, les gens du Hameau de la Montagne se pressent. En quelques phrases médisantes, ils érigent un tribunal. Des bols de riz gluant au miel et des pousses de bambou en guise de repas, des pipes pour les hommes, du tricot et la marmaille pour les femmes. On discute de la santé des ménages du hameau, des bribes de vie saisissante dans un gouffre de vie terne et ennuyeuse. A priori, les hommes sont faits pour vivre en société. Si ce n'est que chacun veille à ses propre interêts et salue le pauvre comme houspille le riche. Ou quand le vent tourne, l'homme qui remplit sa gamelle de la nourriture du riche ne pourra que le féliciter. Et le pauvre reste pauvre car il n'a pas la force d'être à la tête d'une plantation pour bâtir une pécune. Dans cette société, l'homme revenu de la guerre a le droit à sa part de bonheur qu'on lui a arraché comme une dette qu'on lui devrait jusqu'à la mort. Un homme qui donne dix enfants à sa femme est un exemple à suivre comme le symbole d'une virilité victorieuse. Mais par-delà le cercle vicieux, quelques voix s'élèvent pour se rebeller, se défendre, pour penser par eux-mêmes, en somme être heureux.

L'acte d'accouplement devient un océan qui soulève ses vagues, une mer qui se retire. L'amour devient une musique, des sons, des senteurs familières, des saveurs, des pensées passagères, tous les stimulis du quotidien dans ce Vietnam d'après-guerre. De la grande littérature.

Duong Thu Huong, Terre des oublis, 700 pages, 8,50 euros

dimanche 3 février 2008

Just one day...

Antonin Moeri. Juste un jour

A simple scenario : a family makes the narrative of a common experience but every member according to what it saw, heard and felt.

"Il y a autre chose. Cette autre chose, c'est... J'ignore ce que c'est... Mais je sens que..."

Just one day... A revealing title. Once upon a time a family go to the mountain because they win the "Starligt" contest. But we guess that there is an illness within this family wich looks like whatever family seemingly. A funny book wich takes the shape of a report of session at the psychologist. It begins by a man who tells his fears, his doubts and his moods. Then goes the mother who doesn't bear any more the distracting of the father. A absent father, a father who stutters throughout the book. We listen the squabble of their both children, a girl and a boy who love each other but don't understand. Spreads little by little the individualities, the particular links which unite every member of the family. On grotesque backcloth a winter resort in full carnival with skiers disguised on slopes. It is the familiy Forminable (full name) and not tremendous. Nothing does without extraordinary in this book. All the art of the author is to use a classic weft to make a story of confidences, settled sous and love. The stroke of the pen of the writer is close to the automatic writing : Strewed reflections, digressions, illogical consequences and a crowd of anecdotes. It sometimes belongs to the reader to guess that speaks in this novel. A mental gymnastics which we acquire rather easily having got acquainted in the style of Moeri.

The stream of consciousness

A beautiful reflection on our man's condition in the skin of diverse characters. The complexity of the characters is visible: ambivalence of character, existential questions, changeable and unpredictable humors. Such a good thing to speak about oneself or rather just speak about everything and nothing. The word became one catharsis human in this book, the confession of the fault to be a man and not to assume it. It is almost a monologue because the interlocutor does'nt really count in the exchange. He is just the one who listen to the characters without intervening in the communication. I am here and I want to talk about my concerns and my sorrows which saps the existence. Several voices are made echos in this book. But whom does it address ? A journalist, a psychologist or a lawyer ? Antonin Moeri lets smooth the doubt till the end. A novel diverting for a reader been used to a logical progress of the speech. Unique!

"Ce n'est pas une tragédie ce que nous vivons, c'est une sinistre farce. Il ne te manque que les oreilles d'âne et le nez rouge."

Antonin Moeri, Juste un jour, 206 pages, 17 euros

Coton Globe-trotter

Erik Orsenna. Voyage au pays du coton

Partez à la découverte des pays du coton. Escale par escale, Erik Orsenna rédige fidélement ce qu'il voit et ce dont il est le témoin. Les sens en éveil, on comprend les grands enjeux planétaires de cette fibre.

L'académicien n'en est pas à son premier livre. Il nous emmène là dans les différents pays qui ont affaire de près ou de loin au coton : du cultivateur à l'exploiteur jusqu'à la célèbre bourse américaine de là où les cours se tiennent. Ce petit précis de mondialisation est plus un carnet de voyage riches en anecdotes et en description qu'un cours d'économie. Et c'est ce qui en rend la lecture plaisante. Avec son style, Erik Orsenna, mêle son lyrisme à une fibre matérielle qu'est le coton. On sent que l'auteur a vécu son aventure avec toute la force de ses sentiments et nous raconte avec nostalgie les belles heures du coton menacé par la privatisation, issue de la mondialisation. Mais parfois on se prend en émoi pour de belles phrases en perdant le sens orginiel du livre qu'est de nous raconter l'histoire de la mise en culture du coton jusqu'à sa vente. Le coton devient prétexte à faire de la poésie. Mais qu'on ne s'y trompe pas, Erik Orsenna a fait de l'économie son dada et par ce roman pédagogue, il nous livre sa transcription de la mondialisation en prenant exemple sur le marché du coton.
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Maudit coton ou fibre miraculeuse...
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Pays par pays, le coton nous livre ses secrets. Du Mali à l'Egypte où le régne de la famille prime, des Etats-Unis, ce géant subventionneur et décideur, du Brésil où tout est sujet à être exploité, de l'Ouzbékistan encore sous le régime des kolkhozes, de la Chine qui mêle capitalisme et relent communiste jusqu'en région française de Lorraine où quelques industries textiles subsistent encore malgré la délocalisation. Le coton que l'on porte sur soi est une fibre textile courante. Mais qui pourrait soupconné qu'il est à la tête d'une dynastie économique et qu'il est une machine commerciale ? On ne saurait imaginer le nombre de métier qui découle du coton. L'agriculteur, le camionneur au Brésil qui charge le coton fraichement sorti de l'usine, le négociant et riche financier à la tête d'opérations de ventes, le tisseur de chaussette en Chine, le rat de laboratoire qui étudie de près le gène du coton... Personne ne peut se moquer de son influence. Depuis sa découverte, on n'a pas cessé de le cultiver et il ne sert pas qu'à fabriquer des étoffes de qualités.

Avec le talent d'Erik Orsenna, on n'hésite pas à se laissez conter le coton. Mais les quelques lignes enchanteresse sont vites rattrapées par la dure réalité de ces pays qui cultivent le coton parfois sans frein et dans la grande difficulté...

Erik Orsenna, Voyage au pays du coton, Petit précis de mondialisation, 307 pages, 6,50 euros.